CHAPITRE 3 : L’Antichambre du Crépuscule
Après une chute qui lui sembla interminable, Kardel atterrit en douceur. Quelques secondes plus tard, la pièce s’éclaira.
C’était une vaste salle qui semblait plus grande que toute la cabane de Link. Trois miroirs se trouvaient face au jeune homme. Il s’approcha de plus près pour les examiner. Le premier en partant de la gauche était sale. Son cadre était de facture grossière et celui qui l’avait construit semblait s’en être désinterressé rapidement.
Le deuxième était plus ouvragé. Le contour était finement taillé et Kardel vit son propre reflet le regarder... un reflet qui n’était pas tout à fait le sien. Alors que le jeune homme était blond aux yeux bleus, habillé de bottes souples et d’une tunique de voyage verte, son image était celle d’un homme brun habillé de noir avec des yeux de jais. Son regard était froid et calculateur. Il fixa Kardel pendant quelques instants puis fit volte-face et éclata de rire. Passablement surpis, le jeune homme s’écarta du miroir, en fit le tour puis revint devant mais son reflet était toujours absent. Toujours intrigué, il se dirigea vers la troisième glace.
C’était la plus belle. Le verre était eclatant. Des motifs étaient inscrits sur le cadre d’or. Kardel s’attendait plus ou moins à voir le même que dans le deuxième miroir mais il n’en fut rien. Pendant une dizaine de secondes, le jeune homme ne regarda que son reflet. Puis soudain, l’image se troubla comme de l’eau dans laquelle on aurait lancé un cailloux. Une clairière apparut. Un socle de pierre se trouvait au milieu. Une silhouette encapuchonnée s’approcha. Elle portait une épée magnifique. L’homme plongea sa main libre sous sa cape et en ressortit un ocarina. Il était bleu et d’une grande beauté. L’homme glissa l’instrument dans sa ceinture et plongea à nouveau la main dans sa cape. Il e ressortit cette fois un masque. Il était en bois et haut en couleurs. Il semblait représenter un lutin. L’inconnu fit un mouvement pour enlever sa capuche mais une voix résonna alors avec force.
- Kardel, ne regarde surtout pas !
D’instinct le jeune homme sut qu’il fallait écouter la voix. Il retira prestement son manteau et le jeta sur le miroir.
- Tu as vu tout ce dont tu avais besoin, annonça la voix d’un ton soulagé.
Celle-ci devait sûrement appartenir à une femme. Elle n’était à présent guère plus qu’un murmure. Ne sachant trop quoi faire, Kardel demanda à haute voix :
- Qui ...
- Dans ta tête ! rétorqua la femme d’un ton cinglant.
- Qui êtes-vous ? pensa le jeune homme le plus fort possible.
- Plus doucement !
- Alors dîtes-moi qui vous êtes ! s’exclama Kardel en s’efforçant de rendre sa pensée plus basse.
- Mon nom est Midona, princesse du Crépuscule.
Le jeune homme resta interdit devant ce titre. Il n’avait jamais entendu parler de princesse du Crépuscule.
- Princesse du Crépuscule ... ? demanda-t-il.
- Tu ne sais pas ce qu’est le Crépuscule ? s’exclama-t-elle d’un ton surpris.
- Non.
- Ton père ne t’a donc pas éduqué ? Bon alors, par où commencer... Voilà, j’y suis. Il existe en Hyrule deux royaumes. Celui de la Lumière et celui du Crépuscule. Ce dernier servait de prison. Il y a 22 ans, un grand mal s’est abattu sur nos deux royaumes. Un dénommé Xanto m’a détrônée et m’a envoyée dans la Lumière où je me suis retrouvée sous une forme faible. C’est là que j’ai rencontré ton père. Mais avant que je t’en parle, il faut que tu comprennes ce qui est arrivé au monde de la Lumière.
“ Comme tu le sais, il est divisé en trois régions. Chacune d’elle a été plongée dans le Crépuscule de Xanto. Les humains qui s’y trouvaient devenaient des âmes, des fantomes. Ils voyaient les monstres, mais eux ne s’interressaient pas aux humains. Grâce au pouvoir de la Triforce... Tu sais ce qu’est la Triforce, n’est-ce pas ? demanda sévèrement la princesse.
- Bien sur ! rétorqua Kardel.
- Très bien. Alors, comme je le disais, grâce à la Triforce ton père a échappé à ces règles et est devenu un loup à son entrée dans le Crépuscule. Je l’ai retrouvé au chateau d’Hyrule et nous nous sommes mis à la recherche de Zelda. Après ça, j’ai voulu récupéré le Cristal des Ombres. Ce fut une quête difficile et inutile. Nous avons rencontré Xanto qui m’a jeté une malédiction. Zelda m’a soignée et Link s’est mis à la recherche d’Excalibur pour pouvoir contrôler ses transformations en loup. L’épée était dans la clairière que tu as vu dans le miroir.
“ Après cet épisode, ton père et moi sommes devenus très proches. Ensemble, nous avons réussi à trouver le Miroir des Ombres et à l’utiliser pour aller débusquer Xanto dans son palais. Link l’a vaincu et nous avons découvert que c’était un être malfaisant nommé Ganondorf qui tirait les ficelles. Zelda, Link et moi l’avons combattu et tué. J’ai alors pu retrouver ma force et ma puissance originelles. Je suis repartie dans mon monde en brisant le miroir, pour plus de sûreté. Ainsi, Hyrule ne serait plus jamais menacé.
“ Mais ton père s’est mis en tête de fabriquer un autre miroir. Il a créé cette antichambre et a fait quatre miroirs.
- Il n’y en a que trois ici, lui fit remarquer Kardel.
- Effectivement. Le miroir manquant est le premier miroir qu’a fabriqué Link. Quand il l’a achevé, il pensait avoir trouvé un moyen de rejoindre le Crépuscule. Mais alors qu’il s’apprêtait à le traverser, le miroir s’est volatilisé. Ton père s’est tué au travail en essayt de découvrir les causes de cette disparition. Je pense qu’il l’a trouvée à Celestia.
- La cité perdue, dit Kardel. Mon père m’en a parlé.
- Oui, approuva Midona. Il a alors construit deux autres miroirs. Comme tu l’as compris en voyant la clairière, il faut trois objets: l’Ocarina du Temps, que tu trouveras dans le premier miroir, le Masque de Majora, que tu trouveras dans le deuxième miroir et Excalibur.
- Elle est dans le troisième miroir ? demanda Kardel.
- Je ne sais malheureusement pas où est l’épée de lumière.
- Alors à quoi sert le troisième ?
- Link l’a commencé il y a un an. Je pense qu’il l’a fabriqué pour toi. Il savait que tu viendrais ici poursuivre la tâche qu’il t’avait laissée.
Le jeune homme resta un instant plongé dans ses pensées puis finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres.
- Savez-vous pourquoi et comment mon père est mort ?
- Oui, répondit la princesse.
- Alors, qui ...
- Tais-toi, lui intima-t-elle subitement. Quelqu’un essaie de pénètrer ton esprit !
- Qu’est-ce que je dois faire ? demanda Kardel, paniqué.
- Ferme ton esprit ! hurla la voix de Midona.
Elle semblait étrangement lointaine. La vue du jeune homme se brouilla et les ténèbres l’enveloppèrent. Il esaya déséspérment de fermer son esprit mais il ne savait pas comment faire. Une présence s’approchait. Elle était d’une lumière éblouissante. Elle dégageait une douce chaleur et il émanait d’elle une confiance et une douceur infinie. Kardel sentit sa volonté fléchir. La présence s’approchait lentement mais sûrement. Elle cherchait quelque chose. Elle tâtonnait dans cet esprit inconnu.
- Que faîtes-vous ? demanda le jeune homme mais sa voix était si faible qu’on aurait dit un murmure.
La créature ne répondit pas et brilla un peu plus. Au fur et à mesure qu’elle avançait dans l’esprit de Kardel, celui-ci se sentait de moins en moins entier. Il lui sembla entendre Midona l’appeler, mais la chaleur était si douce ici. La présence était de plus en plus proche. Elle tendit ce qui semblait être une main quand soudain...
- Assez ! tonna une voix.
Celle-ci semblait étrangement dédoublée, comme un echo. Peut-être que...
- Recule ! ordonnèrent les deux voix.
Un mur presque sans consistance se dressait à présent entre le jeune homme et la présence. On aurait dit un brouillard noir.
- Kardel, reprends-toi !
- Princesse... Zelda... ?
- Oui, répondit-elle précipitemment. C’est bien, souviens-toi.
Un choc sourd résonna, suivi de grognements d’effort. Midona avait du mal à tenir la créature en respect.
- Allez, Kardel ! Je sais que tu en es capable. Repousse-le !
- D’accord... je... vais... essayer...
Mais c’était une tâche presque impossible. L’envie de chaleur était si forte et il faisait si froid. Inconsciemment, le jeune homme tendit la mais vers la présence. Il avait traversé le brouillard qui commençait à se dissiper quand une troisième voix résonna dans sa tête.
- Mon fils...
La voix de son père était pleine d’amour et de chaleur. Seulement, il se trouvait du côté de Midona et de Zelda, de l’autre côté du brouillard. Kardel fit un pas s’écarter de la créature, mais Link secoua la tête.
- Tu dois te battre mon fils. Tu dois le vaincre.
- Je ne peux pas, rétorqua le jeune homme d’un ton déséspéré. Je ne suis pas assez fort !
- Le Courage est avec toi. Je suis avec toi.
C’était vrai. Son père se tenait à ses côtés. Il entendit des pas approcher, puis apparut sa mère.
- Ne t’inquiète pas, lui dit-elle d’un ton rassurant.
Kardel esquissa un sourire quand il saperçut que trois nouvelles silhouettes approchaient. L’une d’elles était enveloppée d’un manteau de ténèbres.
- Désolée, dit Midona, mais je ne peux pas me montrer à visage découvert devant cette chose.
Son ton était dégoûté. Zelda vint également, se contentant de lui sourire.
La troisième silhouette était celle que le jeune homme attendait le plus. Une jeune femme blonde avec des traits réguliers apparut. Elle avait de magnifiques yeux verts et était enceinte.
- Anna, dit-il dans un souffle.
Sa femme lui sourit et dit:
- Fais-le. Fais-le pour notre fils à naître.
Soudain, quelque chose explosa dans sa poitrine. L’amour que toutes ces personnes lui portaient était tel un tallisman flamboyant. Il tira son épée et s’approcha d’un pas décidé vers la créature. Elle sembla hésiter puis se métamorphosa. Un rayonnement intense aveugla tout le monde puis un bruit se fit entendre. Une haute silhouette se tenait maintenant à la place de la présence. Elle était recouverte d’un manteau de lumière. Deux bras en émergèrent, l’un d’eux tenant une épée.
- Traitre, siffla la créature d’un ton haineux.
Et elle attaqua. Les lames des deux combattants se rencontrèrent dans un fracas assourdissant. Profitant de l’immobilité de Kardel, la silhouette leva la main gauche qui grésilla de plus en plus fort. L’énergie que le monstre accumulait allait partir...
- Non !
Midona avait coupé la main de la présence. La princesse du Crépuscule recula, le souffle court.
- Idiote, dit la créature. Ton pouvoir n’est rien comparé au mien.
Sa main gauche se reforma à toute vitesse. Malgré sa blessure, la silhouette avait maintenu la pression dans son épée. Kardel se sentait fléchir, déséspéré. Cette chose était invincible. Seul une arme d’une grande puissance pourrait en venir à bout. Une arme telle que...
- Excalibur ! s’exclama fébrilement le jeune homme.
Aussitôt, son épée s’allongea de quelques centimètres et sa garde se transforma. Il tenait Excalibur. Avec un féroce rugissement, il repoussa la présence. Poussant son avantage, il se fendit vers le monstre de son adversaire. La lame frôla son ennemi qui poussa un cri de rage.
- Kardel, si tu perds ce combat, ton esprit sera détruit ! cria Midona. Toi seul peut vaincre cette chose, nous ne pouvons plus t’aider.
Comme pour confirmer ses dires, une cloche transparente entoura les deux combattants. Le jeune homme serra son arme un peu plus fort. Il se concentra aussi fort qu’il le pouvait, puis leva son épée, prêt à se battre et s’élança. Alors que la lame allait toucher la présence, celle-ci se volatilisa. Kardel se retourna et plongea sur le côté. Une boule de lumière alla s’écraser sur une paroi. Une autre arrivait à toute vitesse mais le jeune homme la frappa de son épée et elle percuta la créature de plein fouet. Elle poussa un cri empli d’une telle haine qu’il paralysa Kardel. La silhouette s’avança d’un pas triomphant, levant haut son épée. Elle contempla d’un air méprisant son adversaire défait et leva son épée un peu plus haut. Tout se passa en un éclair. Le jeune homme planta Excalibur dans le ventre de la créature. Celle-ci était terrassée. Elle s’effondra dans un cri de douleur et de colère.
Kardel se tourna pour adresser un sourire à ses compagnons mais ils n’étaient plus là. Le jeune homme sentit ses jambes se dérober puis tomba inconscient dans les limbes de son esprit.
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Le chapitre 3